Anne-Sophie Brasme : « Je savais qu’un jour il faudrait que j’écrive là-dessus »

Anne-Sophie Brasme a publié son premier roman « Respire » en 2001, à l’âge de 17 ans. Aujourd’hui maman de deux enfants et belle-mère d’une petite fille, elle signe son quatrième roman « Que rien ne tremble » aux éditions Fayard sur la thématique du burn out maternel, un sujet encore peu abordé en littérature.

Ce roman, c’est un écrit personnel ?

« Oui, quand ma fille est née, en 2012, j’étais un peu comme mon héroïne : je voulais que tout soit parfait et je voulais tout contrôler. Et puis évidemment, ça ne s’est pas du tout passé comme je le pensais et j’ai fait une dépression post-partum. »

Tu connaissais déjà la dépression post-partum ?

« J’en avais entendu parler mais vraiment rapidement. Pendant la préparation à la naissance, j’étais vraiment sidérée qu’on nous préparer à tout prix à l’accouchement mais pas du tout à l’après. J’avais l’impression que j’allais traverser le miroir et basculer dans un autre univers. Je savais que j’étais dans quelque chose qui approchait la dépression post-partum mais quand j’en parlais autour de moi -enfin, quand je dis « en parler », je dois avouer que je ne le disais qu’à demi-mots, parce que j’essayais de jouer à la mère parfaite alors qu’au fond de moi, j’étais complètement paniquée. Et puis un jour, elle avait deux mois et elle pleurait tellement que je ne savais plus quoi faire. J’ai laissé ma fille à mon mari et je suis partie. Il fallait vraiment que je fasse quelque chose. Mais je ne savais pas où aller. Ma sage-femme ne prenait pas de consultation ce jour-là donc je suis allée à la maternité. Et là-bas, on m’a regardé avec de grands yeux. Une infirmière m’a donné un numéro et je me suis retrouvée dans le bureau d’une directrice de crèche. Je pleurais et elle ne savait pas quoi faire non plus. C’était le chaos total. »

Personne ne savait vers qui te diriger ?

« Non, pas du tout. Finalement, ma sage-femme m’a recommandé un psychiatre qui m’a prescrit des antidépresseurs et m’a dit que c’était les hormones et que ça allait passer. Effectivement, ça a fini par passer mais c’est revenu comme un boomerang quand ma fille avait un an. Là, j’ai cumulé d’autres angoisses d’un autre ordre et ça a été le gros retour de bâton. Je suis allée voir un psychologue, très paternaliste, comme celui décrit dans le roman, qui me disait « N’hésitez pas à gifler votre fille ». Je ne le faisais pas bien sûr. Je n’étais pas du tout comprise. Et autour de moi, j’avais des copines qui avaient des situations pires que la mienne, avec par exemple des jumeaux en néonat alors je me disais que je n’avais pas le droit de souffrir parce que ma fille allait bien. Tout ça, ça a macéré et je savais qu’un jour il faudrait que j’écrive là-dessus parce que ce n’était pas possible de garder ça en moi aussi longtemps. »

Qu’est-ce que tu aurais aimé à ce moment-là ?

« Je me sentais vraiment seule. J’aurais aimé être avec mon mari et qu’il ne retourne pas travailler aussi vite. Avoir plus les grands-mères autour de moi, même si ma mère a essayé d’être présente. Avoir moins de visites à la maternité mais plus de soutien ensuite à la maison. Et surtout plus d’écoute au niveau médical. Mais j’ai l’impression que maintenant, ça bouge. En tout cas, j’avais cette angoisse avec ma deuxième fille de refaire une dépression post-partum mais j’étais dans une autre ville et j’ai eu un autre suivi. Je ne sais pas si c’est ce changement ou l’évolution des mentalités mais c’était un peu différent. »

C’était important que ton histoire transparaisse quelque part, à travers ton écriture ?

« C’est vrai que, jusqu’à maintenant, je n’ai écrit que des romans, et je pense que j’ai besoin de puiser au fond de moi ce que j’ai de plus sombre et de le pousser jusqu’à l’extrême. C’est ce que j’avais déjà fait avec Respire, mon premier roman. Là, c’est pareil. J’ai eu cette dépression quand ma première fille est née et à la naissance de la deuxième, j’ai eu une sorte d’épuisement qui se rapprochait plus du burn out, où là le problème n’était pas tellement la maternité car ça se passait bien mais c’était toujours avec l’aînée qui a un caractère bien trempé et parfois, je me suis fait peur. J’accumulais tellement de fatigue et de culpabilité que j’avais l’impression que je pouvais vriller à tout moment. En ayant aperçu ça, je me suis dit qu’il fallait que je creuse ça. Je m’en suis emparée comme un sujet de roman. C’était une manière pour moi de te libérer. »

Toi aujourd’hui, comment tu te sens ?

« Avec mes filles, ça va beaucoup mieux. Elles sont plus grandes. Mais je continue à me remettre en question, toujours, en tant que maman. Je me sens très vite coupable. J’ai toujours l’impression de ne pas me sacrifier assez, de ne pas en faire assez. Et puis, le regard des autres… Me comparer aux autres me rend très fragile. »

Plus d’informations sur le site de sa maison d’éditions Fayard

Retrouvez plus d’interviews d’autrices : Mélusine Huguet Océane Koné Julia Simon


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Je m’appelle Sophie, je suis journaliste et l’heureuse maman d’un petit garçon né en octobre 2019. Après sa naissance, je me suis vite rendue compte que la grossesse ne s’arrête pas au bout de neuf mois. Car oui, il existe bien un quatrième trimestre, une période où la maman va avoir besoin de se reposer afin de récupérer et reprendre des forces. J’ai donc décidé de mettre mes compétences de journaliste au profit de cette thématique à travers un compte Instagram, un podcast et un magazine.

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