Mélusine Huguet : « Tout n’est pas forcément joyeux quand on attend un enfant »
Mélusine Huguet vient de publier son premier roman Un jour de plus de ton absence aux éditions Charleston. Egalement responsable des réseaux sociaux dans le monde de l’édition et autrice du blog Carnet Parisien, elle souhaite, au travers de son roman lever les tabous autour de la maternité.
Pourquoi tu as décidé d’ouvrir ton roman sur la maternité ?
« Je ne suis pas maman et je n’ai pas d’enfant donc la maternité n’est pas forcément quelque chose que je connais. Mais j’ai voulu explorer la grossesse et ses injonctions. Je voulais qu’on juge l’héroïne et qu’on comprenne que tout n’est pas forcément joyeux quand on attend un enfant. Il y a tellement de choses qu’on ne maîtrise pas, qu’on ne connait pas. Il y a énormément de tabous, comme la fausse couche qu’a connue Jade, l’héroïne par exemple. On idéalise la maternité comme un événement heureux dans lequel une femme doit forcément se réjouir et j’avais envie de briser ces codes-là.
Je voulais mettre en lumière des femmes qu’on peut croiser au quotidien, qu’on connait et qui ont une histoire qui nous est inconnue. Mon roman est issue d’une histoire qui m’est arrivée, pas tout bien sûr, mais il y a énormément de monde dans ma famille qui ignorait cet épisode de ma vie. »
Comment tu as fait pour écrire : tu as sondé des personnes ou tu es partie de ton ressenti à toi ?
« Je suis partie de ce que j’aurais pu ressentir et puis l’écriture a été simultanée avec la grossesse de copines qui m’en parlaient assez régulièrement. J’ai 28 ans et j’ai peu d’amies mamans pour le moment mais ça m’intéressait de creuser le sujet car c’est une étape dans la vie d’une femme. C’est aussi quelque chose sur lequel je me projette parce que j’ai vraiment envie d’avoir des enfants plus tard et je m’y intéresse de plus en plus. »
Tu t’es toujours dit que tu aimerais avoir des enfants ?
« J’ai l’impression que j’ai toujours voulu avoir des enfants. Mais récemment, j’ai eu envie de questionner cette envie et de me demander d’où est-ce qu’elle vient ? Est-ce qu’elle me parait naturelle parce que je n’ai connu que ce modèle là et que c’est finalement quelque chose que j’ai envie de reproduire ? Est-ce que c’est vraiment une envie que j’ai en moi ? Et aussi : est-ce que je me sens prête ? Parce qu’on n’a l’impression que ça va être facile et puis on se renseigne et on se rend compte que non, que le corps va changer, qu’il va y avoir le post-partum, les hormones, etc. Donc, oui, j’ai toujours voulu des enfants et aujourd’hui je sais ce que ça implique et j’ai toujours envie d’en avoir. Ca a toujours été une évidence chez moi et j’adore les enfants. »
Quand tu lis des livres, des comptes, magazines qui parlent du post-partum, ça te fait peur ?
« Pas du tout. Je crois au contraire que participer au tabou n’aide en rien les femmes. Je trouve qu’en se préparant, il sera plus facile d’accueillir les changements avec plus de facilité et on se sentira moins seule. Plus je me renseigne et plus je sais dans quoi je m’engage. Au contraire, ça conforte ma décision. Le bébé de ma meilleure amie est né le jour de la sortie de mon roman. Et elle a lu tout ce qui était possible de lire sur la maternité aujourd’hui elle a hâte de me transmettre tout ce qu’elle sait maintenant. »
Ton livre est féministe : tu trouves qu’aujourd’hui la littérature l’est suffisamment ?
« J’ai l’impression que le mot « féminisme » fait peur et que les auteurs et éditeurs vont se brider pour ne pas effrayer leur lectorat. C’est naturellement effacé du paysage éditorial ou alors, c’est très affirmé. Aujourd’hui, ce n’est pas assez développé mais c’est sur la bonne voie même si c’est encore un peu tâtonnant. Mais j’ai aussi un avis un peu biaisé car je vais moi-même m’orienter vers ce genre de lecture et je sais que les éditeurs me contactent aussi pour cette raison. J’ai un club de lectures donc j’ai peut-être une vision du paysage éditoriale un peu orientée. »
Ton roman parle aussi d’un événement que tu as vécu. Ca t’a fait du bien d’écrire ?
« Oui ça m’a aidé à mettre à distance cet événement-là. Je ne savais pas trop comment le gérer, ça a été difficile. J’étais allée voir une psychologue qui m’avait été recommandée par mon médecin traitant et en fait j’ai trouvé que c’était atroce parce qu’elle était dans le jugement et ça m’a complètement braquée. Ce n’était pas ce qu’il me fallait même si j’avais conscience que ce n’était pas la bonne personne. Mais je crois que je n’avais pas envie et surtout, pas envie d’être définie par cet événement. Alors j’ai décidé d’en faire autre chose et ça m’a servi à écrire mon roman. »
Est-ce que la sortie du livre t’a fait remonter des traumatismes ?
« Pas du tout. Aujourd’hui je peux en parler sans problème et d’ailleurs c’est souvent étrange la réaction des gens car ils sont très choqués mais pour moi, c’était il y a cinq ans et c’est digéré. C’est comme si c’était arrivé dans une autre vie : je ne suis plus étudiante, j’ai changé de logement, de copain, ça me parait très loin. Comme si aujourd’hui, j’étais une autre personne. »