Témoignage : Réduction embryonnaire, un choix difficile (première partie)

Avec ce témoignage, Manon nous emmène en effet dans les réflexions qu’elle et son mari Jeremy ont eu, à propos d’un choix difficile.

Quand nous avons échangé les premières fois, Manon m’avait écrit : « J’avais envie de partager mon histoire parce que cela m’a manqué lorsque je cherchais des réponses à mes questions. J’aurais aimé savoir, avoir des témoignages, des retours d’expériences de maman de triplés mais aussi de maman ayant pris la décision de réduire un embryon. »

Voici son témoignage.

« Nous avons eu un parcours de conception assez long puisqu’après 3 ans de tentatives infructueuses nous avons décidé de consulter et d’ouvrir un dossier au centre de PMA. On nous a orientés vers un protocole d’insémination intra-utérine avec hormones pour booster l’ovulation. La première, en juin 2020, fut un échec, nous étions déçus forcément mais déterminés à recommencer. 

Pour la 2e tentative, en octobre 2020, j’étais plus détendue car je connaissais le protocole. Pour être sûre de bien ovuler, on m’avait conseillé de faire une séance d’acuponcture, ce que j’ai fait.

Nous étions en vacances en Auvergne lorsque nous avons appris la bonne nouvelle de la grossesse, ça avait marché ! Quelle joie ! 

Le rendez-vous pour l’écho de datation était pris: le 4 décembre 2020. C’est ce jour-là, et il restera gravé, qu’on a appris la nouvelle. Et quelle nouvelle ! Le gynécologue commence l’écho et me dit en rigolant « il y en a deux »! Rire nerveux. Puis me dit : « non bien évidemment je blague, je ne pourrais pas vous l’annoncer ainsi ». Soulagement. Et puis, en une fraction de seconde, son regard a changé. Il me dit : « Eh bien si, il y a bien deux embryons, ahh non attendez il y en a 3 en fait » . Poc. Boum. Mon cerveau a du rater une marche.

Vous attendez des triplés. Jérémy, mon mari, a blêmi. Moi, j’ai ri nerveusement. Je n’y croyais pas. Puis le gynécologue a enchainé une série de mots dont certains sont encore présents dans mon esprit : compliqué, grave, risque, intervention, enlever, réduire. Hein ? Nous étions sonnés. Choqués. Nous sommes allés dans son bureau où il nous a directement parlé de réduction embryonnaire, de spécialiste, de risques, qu’il ne fallait pas garder. On était vendredi 4 décembre 2020, 9h. Il nous dit : « Je vous appellerai lundi pour vous communiquer le numéro d’un spécialiste. »

Nous sommes sortis du cabinet, c’était jour de marché, il y avait du monde partout. J’avais la sensation d’être dans un film, quand tout bouge autour de l’acteur mais que lui est figé. On s’est pris dans les bras, je me suis écroulée en pleurs, Jérémy aussi. On était venu l’espoir de recevoir une bonne nouvelle, de voir et d’entendre notre bébé. Nous avons entendu 3 petits cœurs, vu 3 petits pois, là au creux de moi. Trois. La surprise a fait place à l’incrédulité puis à la peur, à l’incompréhension de la situation. J’ai appelé mon père. Il m’a écouté. On avait besoin de parler. On voulait se poser, s’asseoir mais c’était le 2e confinement, tout était fermé. On a pris un thé à emporter. Comme deux zombies nous avons marché jusqu’à la voiture. Il faisait froid mais beau, un froid sec et ensoleillé. On s’est assis dans la voiture, on s’est regardé en silence encore sous le choc de l’annonce.

Puis dans un élan de pragmatisme j’ai dit à Jérémy : « Attends, on avait pris notre journée pour se balader en ville, allons le faire ». A notre compte, les journées off ensemble se font rares, je voulais en profiter. De toute façon, nous étions vendredi et il nous fallait attendre lundi. Arrivés à la librairie rayon livre maternité, je consulte un livre. Il y a un article, 10 lignes consacrés aux grossesses multiples. 1 cas sur 40000, des chiffres, des statistiques. 10 lignes et rien d’autre. C’est froid. Ça ne m’aide pas.

Durant ce premier week-end a savoir qu’ils étaient 3 en moi, j’ai ressenti un mélange de sentiments et d’émotions : de la peur du risque, de les perdre, de les garder mais aussi de la joie de savoir qu’ils étaient en forme malgré tout, que j’étais bien enceinte, qu’on avait réussi. Je me souviens qu’on s’est dit que tant qu’on avait pas l’entrevue avec le spécialiste, il fallait profiter de l’instant, de ce début de grossesse, de nous et que notre amour surmonterait cette épreuve à venir. 

Nous avons rencontré la spécialiste dès le lundi. Elle nous a accueilli avec l’attention dont on avait besoin tout en restant neutre dans ses explications, nous décrivant les choix qui s’offraient à nous : continuer une grossesse triple avec ses risques (extrême prématurité, risque de mort élevé, complications pour moi, pour les enfants dans leur évolution future) ou bien effectuer une réduction embryonnaire pour réduire un embryon et continuer une grossesse gémellaire avec des risques moindres par la suite, mais des risques liés à la réduction en elle-même, perdre 1,2 ou tous les embryons.

Nous sommes repartis avec ça et avec une date d’intervention, pour « caler le planning au cas où nous choisissions cette option ». Nous avions 3 semaines pour nous décider. Prendre LA décision. La plus difficile de notre vie. Un jour nous les gardions, le lendemain on revenait sur notre réflexion avec cet auto jugement de penser qu’on est des monstres à vouloir arrêter une « vie » . On a cheminé en avant, en arrière, en pleurs, en rires, en émotions chamboulées. J’ai vécu ces 3 semaines hors du temps. La décision n’appartenait qu’à nous et à moi puisque c’était avant tout mon corps.

Une des phrase qui m’a fait du bien d’entendre c’était : »quelque soit votre décision, elle sera la bonne puisqu’elle sera la vôtre. »

La deuxième partie de ce témoignage arrive très prochainement. En attendant, vous pouvez lire ou relire le témoignage de Justine ou celui de Jennifer.

Vous pouvez également suivre Le Quatrième trimestre sur Instagram.


2 Replies to “Témoignage : Réduction embryonnaire, un choix difficile (première partie)”

  1. chapelet

    Bonjour,
    je m’appelle Sébastien, j’ai 50 ans et je viens de vivre hier la journée de Manon.
    J’ai trois enfants d’une première union âgés de 17 à 22 ans et je me suis remariée il y a deux ans avec Gaëlle, une femme extraordinaire 13 ans plus jeune que moi (donc 37 ans). Après 3 essais de PMA, nous avons appris mi-septembre que Gaëlle était enceinte. Evidemment beaucoup de joie, même si je dois bien avouer que la démarche provenait d’abord d’une envie de maternité de Gaëlle et pas d’une priorité pour moi, mais les moments fabuleux passés avec les trois premiers m’ont convaincu que, même à 50 ans, un enfant reste une source de bonheur indescriptible.
    Donc hier, 1ère échographie permettant de matérialiser ce qui n’est pour l’instant qu’un résultat de prise de sang. Et surprise, il y a 4 embryons ! J’ai beau avoir un peu d’expérience dans la parentalité, je ne m’attendais absolument pas à ça, et Gaëlle encore moins. Sa première et seule réaction pour le moment a été de s’effondrer immédiatement et elle pleure depuis 24 heures.
    Pour ma part, je dois absolument tenir le choc puisque ma prétendue sagesse et mon expérience doivent faire de moi le pilier dans cette épreuve. J’essaie donc tant bien que mal de lui remonter le moral et la lecture du témoignage de Manon fait un bien fou (PS : j’ai donc absolument besoin de la suite !!!).
    Pour autant, je suis bien conscient que cette épreuve est forcément beaucoup plus traumatisante pour la future maman. Ce n’est pas moi qui ait 4 embryons en train de grandir dans mon corps, ni qui vais devoir subir une intervention chirurgicale dans quelques semaines.
    Notre premier réflexe a été d’en parler à nos parents mais à personne d’autre car une décision impactante va devoir être prise et nous ne souhaitions pas « partager » cette réflexion avec tous ceux qui auront inévitablement un avis à donner, voire un jugement, alors qu’il est impossible pour eux de se mettre à notre place.
    La gynécologue qui nous a suivi pour la PMA a rappelé Gaëlle ce matin pour prendre des RDV pour un conseil psychologique puis médical. J’espère que cela va nous aider.
    Puis, il faudra prendre une décision sachant qu’à priori, le choix de les garder tous les quatre n’est pas une option, ni pour le médecin, ni pour nous d’ailleurs.
    Voilà, j’en suis là, au début de cette épreuve et mon côté systématiquement optimiste me pousse à croire que tout va bien se passer, ma principale crainte restant l’impact psychologique que cela risque d’avoir sur mon « rayon de soleil » (je vous assure que c’est un surnom qui lui va particulièrement bien).
    A bientôt pour la suite.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Qui a dit que la grossesse ne durait que neuf mois ?

🎙 Saison 1 disponible (15 épisodes)
🎙 Saison 2 disponible (15 épisodes)
🎙 Saison 3 en cours
📖 Magazines #1 #2 #3 et # 4 en vente

Média sur le post-partum

Je m’appelle Sophie, je suis journaliste et l’heureuse maman d’un petit garçon né en octobre 2019. Après sa naissance, je me suis vite rendue compte que la grossesse ne s’arrête pas au bout de neuf mois. Car oui, il existe bien un quatrième trimestre, une période où la maman va avoir besoin de se reposer afin de récupérer et reprendre des forces. J’ai donc décidé de mettre mes compétences de journaliste au profit de cette thématique à travers un compte Instagram, un podcast et un magazine.

📧 Newsletter

Le podcast, les articles et des bonus directement dans votre boîte mail (le tout garanti sans spam !) :

Instagram

DÉSTOCKAGE :
toute la boutique
du Quatrième trimestre
est à - 50 % !