Témoignage : « Je ne me souviens pas de mon quatrième trimestre »
Quand j’ai lancé cette rubrique de témoignages, je souhaitais mettre en avant la diversité de vos histoires, vos ressentis, que vous ayez un espace pour vous exprimer librement. Je vous remercie sincèrement de la confiance que vous m’accordez à chaque fois que vous m’envoyez vos mots ♥️ Vous pouvez d’ailleurs toujours le faire en m’écrivant à l’adresse suivante : contact@lequatriemetrimestre.com
Le témoignage d’aujourd’hui aborde le thème de l’amnésie traumatique. C’est ce qui est arrivé à Léa après son accouchement.
Je vous laisse découvrir son témoignage ✨
@a_nos_mercredis
« Voilà mon problème : je ne me souviens pas de mon quatrième trimestre.
Qu’il soit teinté d’angoisses, de premières fois, de questions, de moments de bonheur ou d’épuisement, je ne me souviens de (presque) rien.
La faute, je crois, à un accouchement traumatisant. Sans rentrer dans les détails, je suis partie pour une césarienne code vert mais le gynécologue était le seul de garde. Une urgence s’est greffée devant moi alors que ma césarienne avait commencé et je suis restée sur le banc de touche dans un bloc quasiment vide de soignants, la peau du ventre incisée, et moi pétrie d’angoisse en attendant que le gynécologue aille sauver la vie d’un autre bébé. Quand il est revenu s’occuper de moi, l’anesthésie ne faisait plus vraiment effet. J’ai tout ressenti. Mon fils est né et dans un cri de douleur j’ai demandé à ce qu’on m’endorme complètement.
Pour l’accouchement idéal, on repassera !
Sans m’en rendre compte, je suis ressortie de la maternité atomisée. J’avais la sensation qu’un 36 tonnes m’avait roulé dessus.
J’ai passé les trois premiers mois en mode survie, à ne me préoccuper que de mon bébé pour qu’il ne manque de rien. Moi je n’existais plus. Avec le recul, je ne sais même pas comment j’ai fait pour tenir.
Je m’occupais de mon bébé comme un robot. C’est pour ça qu’aujourd’hui je peux le dire : je n’ai aucun souvenir. Le premier sourire ou gazouillis, je ne sais plus. Parfois, je regarde des photos, je ne m’en souviens pas. Souvent, mon conjoint se remémore des moments de vie en me disant : « Tu te souviens, il adorait ça .. » , j’ai l’impression qu’il se trompe de personne. Que je ne l’ai pas vécu. J’ai appris plus tard qu’il s’agissait d’amnésie traumatique.
Après 4 mois d’un brouillard intense, les émotions sont revenues. Négatives, certes, mais enfin je ressentais quelque chose. La coupe était pleine, je m’enlisais dans une dépression post-partum.
C’est douloureux de ressentir ces choses-là mais cela m’a aussi rappelé que j’étais tout simplement vivante et la maman d’un petit être adorable qui avait besoin que sa mère se soigne.
Après un traitement, une psychothérapie et de l’EMDR, j’avance lentement mais sûrement vers un état nouveau de pleine conscience et je grappille chaque moment de bonheur en essayant de les photographier dans mon cerveau pour toujours. Bien sûr la culpabilité est là, sournoise, et me rappelle que peut être ces instants sont définitivement perdus… Ces moments que la société nous conjure de ne pas oublier car « Tu verras ça passe vite » … Peut-être sont-ils ailleurs tout simplement, pas dans ma mémoire mais dans mon cœur. Et puis, je n’ai pas oublié volontairement, j’ai subi un traumatisme, nuance. Je tente de me le répéter souvent quand je repense avec amertume au jour de la naissance de mon fils. Je ne peux pas dire que c’était « le plus beau jour de ma vie ».
Je ne perds pas espoir peut être qu’un jour la mémoire reviendra, des presque riens se rappelleront à moi.
Les souvenirs ne sont plus là mais la relation que j’ai créé avec mon fils elle, est nourrie de ces moments et l’amour que nous nous portons l’un pour l’autre me le prouve chaque jour. »
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