Prématurité : « Mon post-partum, ce n’était pas le quatrième mais le troisième trimestre de grossesse »

Le terme d’Anne-Sophie Clouet était prévu le 16 février 2021 mais son petit Arthur est né le 28 novembre 2020, à 29 semaines + 4 jours de grossesse. Anne-Sophie et son conjoint Thibaud découvrent alors dans le combat de la prématurité. Elle raconte leur parcours, entre angoisses et bataille pour la survie, mais aussi son post-partum, particulier.

Le Quatrième trimestre : Avant de devenir maman, quelle image avais-tu de la maternité ?

Anne-Sophie : J’ai toujours voulu être maman. J’avais cette image un peu classique de la famille. La grossesse était un moment que j’attendais beaucoup : de voir ce qu’on pouvait ressentir à ce moment-là. Un bébé qui grandit dans notre corps, c’est un truc de fou quand on y pense. J’avais vraiment hâte. Et puis j’avais la vision d’un accouchement par voie basse qui se passe bien avec un allaitement qui se met en place facilement.

Finalement, comment ça s’est passé ?

Anne-Sophie : J’ai dû suivre un parcours PMA qui a duré deux ans et ça n’a pas été aussi facile car ce n’est pas du tout quelque chose que j’avais envisagé. Pour la petite histoire, à cause du Covid, toutes les activités d’insémination avait été annulées. J’ai continué la stimulation ovarienne avec le suivi échographique et les prises de sang mais on n’y croyait plus car cela n’avait pas fonctionné jusque là. Et puis début juin, on s’est rendu compte que j’étais enceinte. Et ensuite, le premier et le deuxième trimestre de grossesse se sont vraiment bien passés. Entre temps, nous avons déménagé en Bretagne. On était dans le meilleur des mondes. Et puis après mon retour de congé, à la fin du mois d’août (2020), j’avais une certaine pression et j’avais beaucoup de contractions. Je travaille dans l’industrie pharmaceutique et pour moi, je levais déjà le pied parce que je ne faisais plus de déplacement. Et puis tout a basculé le 15 novembre. C’était un dimanche matin et je me suis réveillée dans une marre de sang.

Comment as-tu réagi ?

Anne-Sophie : Un cauchemar. J’étais à 27 semaines de grossesse et je pensais que j’étais en train de faire une fausse-couche. D’ailleurs, avec cette histoire, je me suis rendu compte que c’était beaucoup plus fréquent que je ne l’imaginais mais je n’en avais pas du tout conscience. Finalement, j’ai été hospitalisée pour un problème de placenta inséré. En soi, ce n’était pas problématique mais à surveiller lors de l’échographie du 3e trimestre qui était prévue le 16 décembre. Mais mes contractions ont joué sur le placenta qui a commencé à saigner. Ce sont des choses qui arrivent fréquemment mais qui sont imprévisibles. A ce stade-là et sachant ça, je ne me suis vraiment pas inquiétée et je me suis dis que j’allais me reposer. Au bout d’une petite semaine, j’ai pu rentrer chez moi parce que les saignements s’étaient arrêtés en prenant le temps de me donner les signaux d’alerte à surveiller. Mais moins de 24 heures après, une contraction a fait repartir les saignements. Donc rebelote : Samu, retour à l’hôpital. Quelques jours plus tard, on me dit que je peux repartir mais je ne le sentais pas. Finalement, le soir, troisième épisode, on m’emmène de nouveau en salle d’accouchement mais je ne réalise pas du tout que je peux accoucher à ce moment-là. On commençait quand même à se dire que je n’allais pas aller au terme. Mais ensuite, il y a eu plein d’enchaînements : soit je n’étais pas bien, soit le bébé était en faiblesse.

A ce stade-là, tu devais être très fatiguée ?

Anne-Sophie : Oui je n’avais qu’une hâte : rentrer à la maison. J’avais vraiment souffert. Je me vidais tellement de mon sang que je n’avais plus aucune force. Je communiquais avec Thibaud juste avec des pressions sur la main. J’étais dans un état second. On fait un dernier monitoring et là, je ne sais pas comment mais je trouve la force de dire « Est-ce que là je peux me laisser partir parce que je ne vais pas revenir ». Je sentais que je n’étais plus là. C’était horrible. Césarienne en urgence. Il y a beaucoup de choses dont je ne me souviens pas mais ces instants de douleur, je m’en souviens très bien. Quand je me réveille, je suis en train d’être recousue et on me dit qu’Arthur est vivant. A ce moment-là, je suis à 27 semaines +4. Il est né à 16h42 et j’ai pu aller le voir vers 21h30/22 heures. Je l’ai vu à peine quelques minutes mais c’était bien de me dire qu’il était là.

J’imagine qu’ensuite cela a dû être très compliqué ?

Anne-Sophie : Oui, très compliqué. Déjà, parce que moi, je n’arrivais pas à récupérer. Je ne pouvais pas bouger. J’ai du être transfusée plusieurs fois. J’étais très faible. Arthur, de son côté, a continué à se battre dans sa couveuse. Il a été réanimé plusieurs fois. On ne pouvait pas se voir, c’était horrible. Et puis petit à petit, j’ai commencé à reprendre des forces et à aller le voir, de plus en plus longtemps et à commencer le peau-à-peau. Je suis sortie de la maternité au bout d’un peu plus d’une semaine mais toujours en fauteuil roulant et avec un suivi. En général, pour un prématuré, on considère qu’il doit rester jusqu’au terme. Comme s’il faisait le troisième trimestre de grossesse dans la couveuse. Finalement, il est sorti le 28 janvier, il avait deux mois tout pile. Il a été remarquable alors que ces débuts ont été très difficiles : il avait une hémorragie au cerveau, il avait un ictère très prononcé, etc. Il recevait des tas de médicaments tous les jours, il était perfusé de partout. Finalement, il a réussi à respirer tout seul au bout d’un mois, sans l’aide respiratoire et on a pu découvrir son visage.

Toi, comment tu as vécu ton post-partum ?

Anne-Sophie : Mon post-partum, ce n’était pas le quatrième mais le troisième trimestre de grossesse. Mais il n’a pas vraiment existé. Je ne sais pas comment le considérer. Parce que quand Arthur est né, je ne pensais pas à moi. La seule chose qui comptait, c’était qu’il vive et qu’on traverse toutes les difficultés. Ca tombait aussi au moment de mon anniversaire, de Noël mais tout ça, on ne l’a pas vu. La nuit, le jour, la semaine, le week-end : on ne vivait que pour ça.

Est-ce que tu avais des soins après ta césarienne ?

Anne-Sophie : Oui, je m’en souviens à peine. En fait, j’avais une prescription pour qu’une infirmière vienne à domicile faire mes injections mais je les faisais moi-même. Je n’avais pas le choix parce que le but, c’était de passer le plus de temps possible avec Arthur. Et chaque minute comptait donc il était hors de question que je perde du temps à attendre une infirmière. Je tirais aussi mon lait et pour stimuler la lactation, parce que mon corps n’était pas prêt, je devais le faire toutes les trois heures. En fait, pendant toutes ces semaines, nous n’avons pas dormi. Mais on était pris dans une boucle dans laquelle on ne réfléchissait pas.

Est-ce que tu as pu allaiter Arthur au sein ?

Anne-Sophie : Pas au début car cela passait par la sonde mais quand cela a été possible, cela a aussi été le signe qu’il pouvait rentrer à la maison. En fait, il y a eu le combat de la prématurité mais aussi celui de l’allaitement qui était très particulier. Mais je suis très content d’avoir pu le faire car finalement, je l’ai allaité jusqu’à ces 8 mois. J’aurais aimé continué un peu plus mais ce n’était pas possible avec le travail et le rapport que j’avais avec le tire-lait était particulier. Cela reste un petit traumatisme, je ne le voyais pas comme une continuité mais comme un retour en arrière. Finalement, le sevrage s’est fait assez naturellement.

Au vu des circonstances de ton accouchement et de ton post-partum, est-ce que t’es sentie maman tout de suite ?

Anne-Sophie : Je pense, dans tous les cas, que devenir maman est un sentiment bizarre. Mais c’est vrai qu’à six mois de grossesse, je n’étais pas préparée. On nous disait : « Il ne faut pas hésiter à lui parler à travers sa couveuse » mais en fait, on le faisait déjà quand il était dans le ventre donc ça nous paraissait naturel. En plus, on avait fait de l’haptonomie donc on était très connectés tous les trois et je me sentais déjà maman pendant la grossesse. Je ne sais pas si c’est dû au parcours PMA qui a accentué ça. Mais ça a été difficile parce que j’avais juste cette cicatrice de césarienne, que je ne pouvais même pas voir parce que je n’avais pas la force de me lever et je ne réalisais pas trop tout ce qui venait de se passer et surtout, tout ce qui aurait pu se passer. Parce qu’en fait, à ce moment-là, c’était loin d’être fini.

Comment se passaient les journées dans le service néonatalogie ?

Anne-Sophie : C’était très rythmé. Arthur, recevait son alimentation toutes les trois heures. Au début, c’était 3 ml qui passaient sur 1 h 30. Une quantité minuscule qu’il absorbait avec une sonde. Ce rythme, c’est infernal parce que c’est jour et nuit. Mais on pouvait être tout le temps tous les trois et heureusement. Et merci aux associations comme SOSPrema qui se bougent pour permettre aux deuxièmes parents d’avoir des congés parce que je ne sais pas comment on aurait fait.

Cette interview est extraite du 3e numéro de la Revue du Quatrième trimestre : Bonheur et tremblements.

Anne-Sophie a écrit un livre témoignage : L’heure de la cigogne.


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Je m’appelle Sophie, je suis journaliste et l’heureuse maman d’un petit garçon né en octobre 2019. Après sa naissance, je me suis vite rendue compte que la grossesse ne s’arrête pas au bout de neuf mois. Car oui, il existe bien un quatrième trimestre, une période où la maman va avoir besoin de se reposer afin de récupérer et reprendre des forces. J’ai donc décidé de mettre mes compétences de journaliste au profit de cette thématique à travers un compte Instagram, un podcast et un magazine.

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