Camille Tallet : « Bien dans sa vulve, bien dans sa tête »
Au bonheur des vulves, c’est le manuel antidouleur pour prendre soin de son entrejambe co-écrit par la journaliste féministe Elise Thiébaut et la sage-femme, ostéopathe et présidente de l’association Périnée Bien-Aimé Camille Tallet. Cette dernière a accepté de nous parler de vulves sans tabou.
– Pourquoi vous être intéressée particulièrement à la vulve ?
Camille Tallet : « C’est le « parent pauvre de la gynécologie » dirait une de mes amies gynécologue. Rien que le mot est peu employé. Cet ouvrage vient pallier le manque de formation des professionnels de santé sur la pathologie vulvaire et le manque d’information des personnes concernées. Nous devrions avoir connaissance de ce qui pourrait un jour venir troubler notre quotidien sans que cela devienne chronique. Bien dans sa vulve, bien dans sa tête pourrait résumer l’objectif de ce livre ! »
– Pourquoi aujourd’hui, de nombreuses personnes confondent encore la vulve et le vagin ?
Camille Tallet : « La méconnaissance générale fait que l’on amalgame vulve et vagin, alors que ce sont deux zones différenciées qui peuvent souffrir de pathologies différentes. Il est important de pouvoir utiliser les bons mots pour mieux se connaître et donc mieux se comprendre et se soigner. L’ignorance de l’anatomie et des pathologies les plus courantes fait qu’on supporte un inconfort voire des douleurs qui n’ont pas lieu d’être et qui affectent notre vie intime, amoureuse, et notre santé en général. »
– De votre côté, en tant qu’enfant puis adolescente et jeune adulte, aviez-vous reçu les informations nécessaires concernant votre vulve et plus largement ou bien vous avez appris beaucoup à l’âge adulte ?
Camille Tallet : « Du plus loin que je me souvienne, je n’ai jamais entendu le mot vulve dans mon enfance. Je ne pourrais même pas dire si on employait un autre terme. Même durant mes études de sage-femme c’est un terme que l’on employait que très rarement. Nous n’apprenons pas à regarder les vulves. On ne connait que les mycoses et encore pas très bien, puisque j’ai appris que récemment qu’il existait un traitement par voie orale qui permet d’éviter de mettre un ovule dans un vagin alors que la zone vulvaire est déjà très sensible, quel soulagement ! Heureusement, aujourd’hui, les choses changent il existe des ouvrages formidables de vulgarisation pour les jeunes enfants, comme « Le petit illustré de l’intimité », ou des outils pédagogiques telles que des peluches vulves (clitowitch) qui permettent d’aborder ces sujets de manière décomplexée. Ayant moi-même une fille de 6 ans je vois l’avenir de nos conversations avec beaucoup plus d’enthousiasme ! »
– Dans votre livre, vous expliquez que la vulve évolue tout au long de la vie, comment l’explique-t-on ?
Camille Tallet : « La vulve est constituée de tissus sous l’influence des œstrogènes. Or, nous ne sécrétons pas la même dose de cette hormone dans l’enfance, l’adolescence, la vie adulte et après la ménopause. De même nous ne sécrétons pas la même dose tout au long de nos cycles menstruels. Nous sommes des êtres cycliques et donc complexes, notre vulve en est le doux reflet. C’est pour cela qu’il y a certaines choses à savoir sur chacune de ces tranches de vie pour aborder sereinement le sujet de la santé vulvaire. »
– Vous abordez également tous les maux que l’on peut rencontrer : est-ce qu’il y a des difficultés pour les femmes, d’en parler à des professionnels de santé ?
Camille Tallet : « Malheureusement oui, tout d’abord c’est un sujet avec lequel peu de femmes sont à l’aise et nous, professionnels de santé, ne mettons pas toujours tout en œuvre pour que les patientes se sentent libres d’aborder le sujet. « Est-ce que vous avez des douleurs au niveau de votre vulve ? » ou « Est-ce que vous avez des douleurs pendant les rapports sexuels ? » : ces questions devraient être systématiques lors de la consultation de gynécologie, mais sur le terrain c’est loin d’être le cas. Formons les professionnels de santé pour que cela ne soit plus un sujet tabou. Imaginons une campagne de sensibilisation de la population à cette question de confort vulvaire et sexuel ! Rêvons grand. »
– Et puis évidemment, vous parlez également du post-partum : les femmes sont-elles aujourd’hui suffisamment informées sur ce qui se passe dans leur corps après un accouchement ? Comment cela s’est passé pour vous ?
Camille Tallet : Les femmes ne sont absolument pas bien informées. On devrait intégrer des exercices de mobilisation du périnée dans toutes les préparations à l’accouchement. Une séance avec un miroir à la découverte de son anatomie serait une grande avancée pour qui permettent notamment de comprendre et reconnaître les douleurs qui pourraient survenir durant le post-partum – douleurs qui devraient être nettement mieux prise en charge. Nous ne sommes pas au point sur ce sujet car nous nous cachons derrière des phrases telles que « C’est normal vous venez d’accoucher. Tout va bien cela va passer. Allez faire votre rééducation et on verra après ! »
Le post-partum devrait être une période centrée non seulement sur le nouveau-né, mais sur la mère.
J’ai eu le plaisir d’accoucher sans anesthésie pour mon deuxième par choix. J’ai eu un point de suture juste au-dessus du clitoris. Je pense que je me souviendrais toute ma vie de la sensation du fil qui passe sous ma peau lors de la suture. Même si les suites n’ont pas été douloureuses, je peux imaginer l’enfer quotidien de certaines femmes qui éprouvent cette douleur tous les jours après la naissance de leur enfant. Ne craignons pas de donner des antalgiques aux personnes qui viennent d’accoucher et de leur poser la question dix fois par jour pour savoir si elle se sentent bien, confortable dans leur corps qui change tous les jours. »
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